La Fondation Ethereum a accordé ce lundi une subvention de 5 millions de dollars à Parity Technologies pour le développement du protocole Ethereum. C’est une excellente nouvelle pour l’écosystème. D’un premier abord, cette décision pourrait paraître étonnante, dans la mesure où Parity est déjà le deuxième contributeur au protocole et que le client Parity Ethereum est exécuté par 40 % des noeuds aujourd’hui. Pourquoi financer ceux qui contribuent déjà au développement, et pas de nouveaux projets ? Il faut cependant placer la subvention dans son contexte : Parity est un des principaux contributeurs à Ethereum aujourd’hui, certes, la communauté craignait que ces contributions se raréfient dans le futur. Et ce, pour de multiples raisons.
Les origines contentieuses de Parity
Gavin Wood, fondateur de Parity, a un ancien contentieux avec la Fondation. Cofondateur d’Ethereum, il a claqué la porte en janvier 2016 pour fonder Ethcore, qui deviendra Parity Technologies. Ce n’était pas un abandon du projet : la première création de cette société fut un client Ethereum (Parity). Pour autant, et son attitude envers la Fondation Ethereum et notamment Vitalik Buterin est restée ambigüe et parfois sourdement hostile.
Les relations n’ont donc jamais été au beau fixe, mais cette rivalité sourde entre la Fondation et Parity fut amplifié lorsque le client Parity a « sauvé » Ethereum en septembre 2016 alors que le réseau était attaqué (attaque DoS, plus de détails). A cette époque, le client développé par la Fondation (geth) n’était pas assez optimisé et Parity seul a tenu la charge de l’attaque. Ce fait d’arme a largement alimenté une rivalité déjà naissante entre les équipes de développement de chacun des clients. Cela a conduit par la suite à de nombreuses passes d’armes sur twitter ou encore au lancement par Parity, sans communication préalable, d’un réseau de test spécifique à ce client (Kovan). A cette période, la communication entre les deux équipes de développement était exécrable.
Une détérioration de la situation en 2017
Parity a également été au centre de l’attention en 2017, pour des raisons moins glorieuses vis à vis d’Ethereum. D’abord car Gavin Wood a été cette année là à l’origine d’un projet appelé « Polkadot » visant à créer un réseau de blockchains interopérables (un des saint graal de la technologie blockchain). Ce projet, financé par ICO, a été parfois analysé comme un potentiel concurrent à Ethereum compte tenu de son champ très large. Le fait que l’équipe de Parity se consacre largement à son développement fit donc croître les doutes sur leur investissement à long terme dans Ethereum.
Le deuxième événement fâcheux de 2017 fut le fameux hack du multisig Parity, qui eut pour conséquences de :
- entacher sérieusement la réputation de Parity Technologies ; et
- faire « perdre » à la Fondation Web3, en charge du projet Polkadot, la quasi intégralité des fonds qu’elle avait levé en ICO (plusieurs centaines de milliers d’ETH).
A ces évènements de 2017 s’ajoutèrent enfin quelques signaux négatifs additionnels. Citons par exemple le changement de nom du client Parity en « Parity Ethereum » (laissant entendre d’autres clients importants développés dans le futur) où encore l’irritation très visible de Afri Schoedon (lead dev Ethereum chez Parity) face à certains choix de développements de la Fondation, et notamment l’abandon du testnet Casper en mars 2018.
Bref, la communauté Ethereum ne savait pas trop à quoi s’attendre de la part de Parity pour le futur. La crainte était un abandon progressif d’Ethereum de la part du studio de développement, ce qui aurait été une perte très lourde compte tenu de leurs apports très significatifs.
Des signaux très positifs fin 2018, confirmés par cette subvention
Depuis quelques mois cependant, les messages envoyé sont tous devenus très positifs. Les relations entre les développeurs Geth et Parity se sont normalisées, au point qu’un nouveau réseau de test commun (Görli) est en cours de finalisation. Parity était présent et très actif dans les nombreuses réunions qui ont eu lieu en 2018 sur les prochaines étapes d’Ethereum. Malgré quelques tensions subsistantes (les réunions « secrètes » de la DEVCON4 ont un peu ravivé d’anciennes plaies), la communauté était largement rassurée et les développeurs de Parity seront présents en nombre à la conférence EthCC à venir en mars 2019.
Pour autant, restait la question du financement de ces développements. Le client développé par Parity Technologies est gratuit et open-source. Même si la société effectue des prestations de conseil par ailleurs, les moyens à allouer au développement devenaient de plus en plus importants au fur et à mesure de sa complexification.
La subvention accordée par la Fondation a donc un double impact. D’une part, elle vient confirmer la normalisation des relations entre elle et Parity, ce qui est une excellente nouvelle en soi. D’autre part, elle assure le financement d’étapes clés du développement d’Ethereum.
En tout état de cause, elle a été saluée par l’ensemble de la communauté et tout particulièrement par Gavin Wood.
Thanks @Ethereum Foundation for supporting @paritytech‘s continual work in improving Ethereum. https://t.co/WzvUxheHwM
— Gavin Wood (@gavofyork) January 8, 2019
La subvention sera débloquée par tranche et couvre les sujets suivants :
- La finalisation du travail entamé par Parity pour le portage de eWasm sur Ethereum (mise à jour de la machine virtuelle).
- La création d’un client léger pour le réseau principal d’Ethereum.
- La finalisation des phases 0 et 1 du développement du sharding.
Ces éléments sont ceux sur lesquels l’équipe de Parity a le plus à apporter à la communauté. Gageons que cette subvention va leur permettre de les réaliser avec plus de sérénité.
merci pour ces infos pertinentes