Par Thomas Chataigner et Philippe Métais, Lead Dev chez Blockchain Partner.
Nous proposons ici un panorama subjectif, non-exhaustif, des enseignements importants à nos yeux de la DevCon5. L’impression générale qui ressort des différents talks, meetups et discussions est un sentiment d’avancées concrètes – les problèmes trouvent des solutions – et de prises de décisions – les idées sont soit validées si elles ont été jugées pertinentes, soit écartées collectivement, permettant dans tous les cas d’avancer.
Le mot d’ordre de cette DevCon5 était bel et bien « concret ». En proportion, nous avons ainsi noté moins de travaux de chercheurs et plus de projets portés par des entrepreneurs et développeurs.
Voici les 10 points que nous retenons de cette édition :
1 – Nous avons distingué quatre grands sujets abordés à l’événement :
- L’état des lieux d’ETH 2.0 et des problématiques liées au Proof-of-Stake ;
- Les rollup (solution de scalabilité appuyée par les ZKP), apparus très récemment et pourtant déjà largement discutés ;
- La DeFi ;
- Les questions liées à l’adoption, en particulier parmi les développeurs (outils, UX, inclusion, etc.).
2 – Plusieurs briques fondamentales dont la qualité était mitigée et/ou dont le développement ne semblait pas intéresser particulièrement sont désormais au cœur de discussions et initiatives de réhabilitation, d’assainissement, de consolidation.
C’est par exemple le cas de Metamask, qui était en bêta depuis un an et demi et dont le développement open source ne mobilisait que peu de monde (son développement était porté majoritairement par ConsenSys). L’équipe de Metamask a récemment fait le choix d’ouvrir proactivement le développement de l’outil, en annonçant lors de cette DevCon l’ouverture au développement d’extensions de la part de la communauté. Ce choix permet aux acteurs de l’écosystème de s’engager avec plus de confiance sur la voie de l’utilisation de Metamask, alors que l’outil était encore récemment sur une ligne de crête (faute d’ouverture, il risquait d’être abandonné au profit d’autres outils).
De même, un travail important de consolidation des fondations de Web3 a été entrepris : ce travail mobilise de nombreux acteurs de l’écosystème, alors qu’il intéressait auparavant relativement peu d’acteurs. On note un élan commun pour travailler collectivement sur le sujet, qui contraste avec les difficultés de Web3 à fédérer par le passé – la première version de la librairie web3.js n’ayant par exemple été publiée qu’en juillet 2017 après 50 bêtas et deux années de travail.
3 – Le développement d’ETH 2.0 a très nettement progressé par rapport à son état d’il y a encore six mois ou un an. Cette Devcon a prouvé que de très nombreux travaux qui étaient auparavant à l’état de recherche deviennent aujourd’hui opérationnels. Les efforts en vue du passage à ETH 2.0, débutés initialement en tant que recherches très théoriques, portent désormais sur des questions d’implémentation.
Les spécifications d’ETH 2.0 commencent par exemple à être gelées, ce qui a permis la génération d’un premier testnet public pour la première phrase d’ETH 2.0. Dans le même ordre d’idées, certaines entreprises se sont chargées de rassembler tous les articles de recherche (auparavant éclatés) sur Casper afin de les mettre à disposition de façon organisée pour pouvoir avancer dessus de façon plus efficace.
En somme, la phase théorique a laissé la place à la phase pratique.
4 – Aujourd’hui toute initiative (ou presque) dans l’écosystème Ethereum s’appuie sur plusieurs projets devenus indispensables – Ethereum Name Service (ENS), les DAI, Gitcoin… – alors que le bon fonctionnement de ces projets restait à prouver il y a de cela encore un an. Ces projets, qui en étaient surtout au stade de recherche, sont fonctionnels pour nombre d’entre eux, et commencent à être utilisés pour de bon. Des solutions comme le Gas Station Network permettent d’offrir toujours plus de flexibilité dans le design de dApps. En outre, des initiatives qui semblaient hors de portée il y a un an se rapprochent aujourd’hui nettement de la réalité ; ce qui paraissait très loin l’an dernier en termes de communications inter-chaines a par exemple bien avancé.
5 – Sur le volet des dApps, il est frappant de constater les progrès en termes de facilitation de l’interopérabilité : les acteurs de l’écosystème itèrent et s’appuient les uns et les autres, permettant de créer plus de valeur pour tous. Cette Devcon était une concrétisation de cette interopérabilité, notamment incarnée par le fameux « money lego » qui caractérise la DeFi. En définitive, le système de transactions et d’interfaces des smart contracts permet une forme de réinvention du système d’API.
Il existe désormais plusieurs briques pour lesquelles l’écosystème a suffisamment confiance pour les choisir comme composantes. En la matière, MakerDAO est allé particulièrement vite (et continue d’avancer puisqu’ils ont annoncé la mise en place du multicollatéral) : alors que Maker était l’objet d’un certain nombre de questionnements il y a un an encore, le protocole est aujourd’hui utilisé par une large partie de l’écosystème (Augur a du reste annoncé l’intégration du DAI sur sa plateforme).
Bien d’autres applications pourraient être citées ici, comme Argent, un « smart contract wallet » qui met en place un système de « social recovery » très facile d’utilisation, et qui a implémenté une fonctionnalité pour toucher des intérêts en transférant ses ethers sur Compound.
6 – Cette DevCon marque l’explosion de l’utilisation en pratique des ZKP, qui rendent possible l’éclosion de nouveaux projets. Citons deux exemples parmi d’autres : Uniswap, qui a fait une démo des rollups appuyés par ZKP dans l’optique de rendre son service scalable, et les sidechains de SKALE, projet dans lequel la disponibilité de la donnée est particulièrement intéressante.
7 – Le sujet des state channels était particulièrement présent. Un grand nombre de subventions accordées par la Ethereum Foundation portaient sur le sujet, et chacun a pu noter la volonté de pousser des standards plus rapidement en la matière. Les sociétés Counterfactual et Magmo ont justement décidé de fusionner leurs efforts de R&D pour que les state channels voient le jour plus vite, dans le courant de l’année prochaine.
8 – Une tendance forte à souligner : les solutions fermées ou centralisées font de plus en plus place à des solutions plus ouvertes et décentralisées. Par le passé, la communauté avait parfois mis de côté la décentralisation pour mieux avancer, par souci de praticité ; on constate désormais une réappropriation du sujet. On peut parler d’une forme de « réassainissement » : l’écosystème veut de la décentralisation (sans renoncer pour autant à la praticité) et ne se satisfait plus de solutions qui allaient à l’encontre des valeurs d’ouverture et de décentralisation. Pensons par exemple à la communauté Web3, qui se réanime, ou encore au projet Iden3 dans le domaine des identités décentralisés.
9 – Un fait saillant de cette DevCon est l’ouverture d’Ethereum au-delà de sa seule communauté, s’opposant ainsi à une posture maximaliste (« Ethereum ou rien ») qui semble s’éteindre.
D’une part, un certain nombre d’acteurs extérieurs reconnaissent l’utilité de l’écosystème Ethereum à l’ensemble du monde blockchain. Plusieurs standards existant sur Ethereum, auparavant inégalement reconnus en dehors de ce cercle, sont désormais bien mieux reconnus au sein d’autres écosystèmes (Tezos, W3C, etc.).
D’autre part, la communauté Ethereum ne se ferme pas à des alliances : bien que consciente de sa position de force, elle ne cherche pas à se fermer.
Ce phénomène se matérialise par une croissance des discussions sur l’interopérabilité, concernant aussi bien la couche protocolaire (plusieurs blockchains visent la création des ponts avec Ethereum, comme Hyperledger) que l’adoption des outils de développement. Tezos, qui était l’un des sponsors « gold » de cette édition, entend ainsi utiliser pour partie les mêmes outils et les mêmes standards.
10 – Le staking est un sujet qui monte, traité par plusieurs talks. La volonté de développer des standards en matière de staking et d’améliorer son UX (en particulier au niveau de l’onboarding des utilisateurs) a été soulignée. En outre, des travaux de recherche mais aussi d’implémentation sur la preuve de détention en utilisant la cryptographie ont été présentés, confirmant la démocratisation du staking décentralisé.
Point Bonus : la tradition de la DevCon de laisser une place importante à la « crypto for good » et aux projets d’impact est toujours présente – l’événement conserve une place pour les projets non-profit ou à impact social, ce qui est très appréciable.
[…] Chataigner et Philippe Métais, Lead Developers chez Blockchain Partner, ont synthétisé dans un article paru sur le site Ethereum-France les dix points qu’ils jugent essentiels de la DevCon5, le […]