On peut dire que parmi toutes les présentations de la Devcon 7, celle de Justin Drake était la plus attendue. D’autant plus car son contenu n’a pas été dévoilé en amont et qu'elle avait un titre mystérieux... Keynote: [title redacted]. Sans compter la cérémonie d’ouverture et de fin de cette édition, cette keynote a fait salle pleine et de nombreuses personnes ont dû se contenter de suivre la retransmission à l’extérieur, malgré le déplacement à l’autre bout du monde ! Ethereum France fait le point sur les annonces de la beam chain.
Introduction
La Beam chain est une proposition audacieuse de Justin Drake, chercheur à la Fondation Ethereum chargé de préparer le futur d’Ethereum.
Lors de sa présentation, il observe que les mises à jour d’Ethereum suivent un schéma régulier d’un fork par an depuis le merge. Chacun de ces forks apporte son lot d’améliorations incrémentales. Cependant, il prévoit que d’ici trois ans les modifications les plus simples auront été faites et qu’il ne restera que des mises à jour profondes. Leur difficulté à être intégré au réseau sera amplifiée par la dette technique accumulée.
Justin Drake propose de développer sur les cinq prochaines années une grande mise à jour, la Beam Chain [chain faisceau en français]. Celle-ci consisterait en un hard fork qui contiendrait toutes les features en rouge du tableau suivant :
Production de blocks | Staking | Cryptographie | |
Phase 0 | Resistance à la censure (FOCIL) | meilleure émission (ex: stake cap) | snarkification de la chaine (ex: Poseidon + zkVM) |
Phase 1 | Validateurs Isolés (enchéres d'éxecutions) | plus petits validateurs (staking Orbit avec 1 ETH) | résistance au quantique (ex : signature via hashing) |
Phase 2 | Slots plus rapides (4 secondes) | Finalité plus rapide (3 slots FFG) | génération de hasard forte (MinRoot VDF) |
Après avoir vu comment fonctionne la couche de consensus d’Ethereum, nous verrons en quoi consiste les différents éléments du tableau précédent et quel a été l’accueil de la beam chain par la communauté.
Etat actuel du protocole d’Ethereum
Depuis la mise à jour du Merge, le réseau Ethereum est séparé en deux couches. La couche de consensus, nommée aussi Beacon chain, et la couche d'exécution. Dans la couche de consensus les validateurs font tourner l’algorithme de consensus à Preuve d’Enjeux (PoS). Dans la couche d'exécution, lieu de résidence de l’EVM, les transactions sont exécutées et l’état de la blockchain est mis à jour. Comme la Beam Chain concerne exclusivement la partie consensus, nous allons nous focaliser sur son fonctionnement. L’objectif de la couche de Consensus est, comme son nom l'indique, de trouver un consensus sur l’état de la beacon chain au sein de l’ensemble composé de +1,000,000 de validateurs.
Dans le cadre du PoS d’Ethereum, un block est proposé toutes les 12 secondes, dans un Epoch il y a 32 blocks proposés. Durant cet epoch l’ensemble des validateurs est divisé au maximum en 64 comités. Ces comités sont des sous-ensembles du réseau qui par le biais d’attestations votent pour un checkpoint (premier block d’un epoch). Lorsque ce checkpoint a reçu ⅔ du total d’attestations, il est considéré comme final. C’est-à-dire qu’il est toujours valide aux yeux des validateurs honnêtes. Pour rassembler ces attestations, et donc finaliser un bloc, il faut 2 epochs, soit ~13 minutes.
Enjeux de la beam chain
Maintenant que nous sommes plus à l’aise avec les concepts de base du consensus d’Ethereum, parlons de la Beam Chain et des points suivants:
- Slots plus rapides (4 secondes)
- Finalité plus rapide (3 slots)
- Snarkification de la chaîne
- Résistance au quantique
Orbit SSF:
- modifier les commitees pour contenir différents types de validateurs suivant leur taille.
- les gros auraient plus de chance d’être sélectionnés pour maintenir un nombre de validateurs limité. En contrepartie, les petits validateurs gagneraient plus de récompenses proportionnellement.
- Les petits alterneraient souvent entre les différents comités alors que les gros seraient plus statiques… D'où le nom orbit !
Pour qu’un slot (bloc) soit validé en 4 secondes, il faudrait que celui-ci soit propagé à l’ensemble du réseau, exécuté localement par les validateurs et attesté. 98% des nœuds sont propagé à l’ensemble du réseau en 4 secondes, or l’exécution et l’attestation prennent à leur tour au moins 2 secondes. Une solution à ce problème peut être les préconfirmations.
Les préconfirmations permettent au producteurs de blocs de promettre aux utilisateurs que le transaction sera incluse dans le prochain bloc, sous peine d’une pénalité. Cette fonctionnalité ne serait pas native au protocol, dans le même style que MEV-Boost.
A chaque mise à jour de la chaîne les nœuds de consensus doivent exécuter une fonction pour s’assurer que le changement d’état proposé par les autres nœuds est valide.
En utilisant les preuves à divulgation nulles de connaissances (Zero knowledge proofs, ZK) ZNARK, les validateurs n’auraient pas besoin de reéxécuter cette fonction, juste de vérifier la preuve. De plus, ils n’auraient plus besoin de se transmettre la totalité des données du blocks, juste celle de la preuve.
La résistance au quantique. Comme vu précédemment, les validateurs s’échangent des attestations, basées sur des signatures BLS. Cependant ce mécanisme pourrait être vulnérable aux ordinateurs quantiques. L’alternative proposée par Justin Drake repose sur des signatures basées sur hashing. Cependant on ne peut pas agréger ce genre de signatures contrairement à celles basées sur BLS. Mais il existe une solution. Nous pouvons encore une fois utiliser les preuves à divulgation nulles de connaissances qui peuvent prouver que la signature est valide. Elles peuvent être agrégées à leur tour.
Cette vision de la roadmap d’Ethereum consiste donc à repenser totalement la couche de Consensus du réseau afin d’avoir un impact significatif sur la performance et la sécurité de la Beacon chain. C’est un chantier très important avec une première roadmap présentée qui se termine en 2029 - 2030. Elle reposerait sur trois grands axes :
- Rendre le staking plus accessible
- Améliorer la scalabilité
- Intégrer une couche cryptographique
Améliorer la scalabilité
Pour faire un état des lieux de la rapidité d’Ethereum, il se crée environ un bloc toutes les 12 secondes, mais il faut entre 5 et 15 minutes pour que ce dernier soit finalisé, c’est-à-dire confirmé plusieurs fois par les validateurs.
Cela crée à la fois des opportunités d’arbitrage pour certains acteurs profitant de la MEV (Maximum Extractable Value) mais aussi des coûts d’opportunité importants car certaines applications n’envisagent pas de déploiement sur Ethereum car elles souhaitent réaliser une quantité bien plus importante de transactions par seconde. Ils doivent donc se tourner vers des solutions de L2, des blockchains concurrentes comme Solana, ou alors, ne pas considérer l’utilisation de la blockchain pour le moment.
Avec cette mise à jour, souvent nommée Single Slot Finality, ce temps serait réduit à 4 secondes et environ 12 secondes avant que le bloc soit confirmé, ce qui permettrait de garantir une exécution plus rapide des transactions ainsi que des cas d’usage plus variés.
Rendre le staking plus accessible
Dans cette roadmap, Justin Drake a aussi proposé de réduire le montant nécessaire pour opérer un nœud validateur à 1 ETH. L’intérêt est de rendre le staking plus accessible et de décentraliser davantage le réseau de validateurs.Toutefois il y aurait une limite sur le total d’ETH staké afin de ne pas diluer de façon trop importante les validateurs.
Pour rappel, il faut actuellement 32 ETH (soit $115,000 à l’heure où je rédige cet article) pour participer à la sécurisation du réseau, en opérant un nœud validateur et récupérer des récompenses liées à l’activité sur Ethereum. Il est donc clair que cette opération est limitée à des investisseurs qui ont pu rentrer tôt sur cet actif, ou qui ont une capacité d’investissement supérieure à la moyenne.
Des solutions ont émergé comme Lido, Binance Staked ETH ou mETH et font aujourd’hui l'intermédiaire pour offrir un rendement de staking peu importe le montant détenu d’ETH, même à partir de 0.01 ETH.
Intégrer une couche cryptographique
L’intégration native des SNARKs (Succinct Non-interactive Arguments of Knowledge), une technologie déjà utilisée par de nombreuses L2s comme zkSync Era, Polygon zkEVM ou Starknet, permettrait davantage de sécurité sans pour autant ralentir le mécanisme de consensus.
Avec l’arrivée du quantique, il faut d’ores et déjà préparer l’avenir en rendant la blockchain toujours plus difficile à déjouer.
Les preuves cryptographiques nécessaires pour vérifier les transactions sur Ethereum pourraient donc se réaliser off-chain sans avoir besoin de stocker les données on-chain. Cela permettrait aussi dans le futur de pouvoir améliorer la façon dont ces preuves cryptographiques sont obtenues en fonction des technologies disponibles.
On pourrait donc bientôt avoir des frais de gas peu onéreux et des transactions rapides sur Ethereum mainnet, qui serait en concurrence avec les solutions de L2 qui se sont multipliées ces dernières années pour justement répondre à ces problématiques.
Conclusion
Dans un milieu très compétitif, cette mise à jour va se faire sur la durée, permettant ainsi aux nombreuses parties prenantes de s’aligner sur les sujets présentés ci-dessus ainsi que de s’impliquer pour l’écosystème. La Beam Chain aura en effet un impact important sur l'entièreté de la couche de consensus, c’est-à-dire sur les récompenses de staking, l’émission d’ETH, la mise à jour des nœuds, la migration vers le nouveau protocole…
La Fondation Ethereum devrait partager prochainement un plan d’action plus détaillé sur les changements des prochaines années.
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